vendredi 26 mars 2010

Neige et froid

Notre accueil au village a été aussi chaleureux que la température. Les villageois nous ont jetés dehors sans ménagement. Ils ne voulaient rien avoir à faire avec des étrangers. S’ils ont eu des mauvaises expériences, je peux comprendre qu’ils soient réticents, mais ils n’ont même pas voulu nous vendre des vêtements chauds. Et quand j’ai osé mentionner le nom d’Hayaté, nous nous sommes fait regarder très croche. Nous devons trouver un homme dont nous ignorons l’apparence, l’emplacement et personne ne veut nous donner des renseignements. Génial…

Le froid dehors était mordant et il ventait et il neigeait à n’en plus finir. À ce rythme-là, nous serions morts en un temps record si la jeune Lisa ne nous avait pas trouvés. Elle habitait avec son père un peu à l’écart de la ville. Ils nous ont offert le gîte et le couvert et Moritz nous a raconté l’histoire des Valerios, la famille d’Hayaté. Ils auraient fait un pacte avec un démon et les dieux se seraient fâchés. L’hiver continuel serait arrivé à peu près à ce moment-là. Mais à savoir si c’était une punition des dieux ou une simple coïncidence…

Le château des Valerios se trouvait en haut de la montagne. Comme nous étions bien décidés à y aller, Moritz a accepté d’échanger la fourrure de ses animaux contre des médicaments. Il possédait autrefois un troupeau, mais il ne lui restait aujourd’hui que deux bêtes. Il nous donnait la fourrure, mais nous allions devoir la tondre, la tisser et ensuite coudre nos vêtements. Je n’avais jamais vu de bœuf musqué de ma vie. C’est mignon comme animal, mais tellement énorme! Astaroth avait l’air d’une chèvre à côté d’eux!

Nous avons passé toute la nuit (tout le monde a participé d’une façon ou d’une autre) à fabriqué nos vêtements. Moi j’ai aidé Laurian à tondre les animaux. Maintenant, il ne me resterait plus qu’à apprendre à tisser et je pourrais faire mes vêtements de A à Z. Quand tout a été fini, j’ai à peine eu le temps de somnoler un peu près du feu (je ne voulais pas prendre la chance que mon sac attrape froid, alors je me suis installée là) que l’activité dans la maison m’a réveillée et nous sommes partis. Mes vêtements n’étaient peut-être pas aussi girly que ceux que je me serais achetés, mais j’étais quand même très contente. Mon chapeau avait des oreilles de loup! Trop mignon!

Plus nous avons avancé dans la neige et plus nos pas devenaient difficiles. Ayant ma chaufferette personnelle portative je n’avais pas trop à me plaindre, mais quand même. Quand nous sommes arrivés à un pont de glace qui n’avait pas l’air très solide, nous avons failli y rester, du moins en partie. Moi j’ai glissé et j’ai réussi à me reprendre, mais Callystus a bien failli passer par-dessus bord.

Nous avons traversé tellement de falaises, pris tellement de détours, que je ne savais même plus où nous étions rendus. Je ne sais pas si quelqu’un le savait d’ailleurs… Quand la nuit a fini par tomber, nous avons trouvé refuge sous deux gros morceaux de glace qui nous ont servi de tente. Je n’ai pas trop dormi à ce moment-là non plus parce que j’ai décidé d’aller relayer Raïko pour monter la garde.

Quand j’ai aperçu un truc dans la neige qui ressemblait à des yeux, je me suis dit que je rêvais peut-être, mais Sio a aussi vu quelque chose. Et puis nous avons été attaqués par des loups. Je ne pensais pas qu’ils allaient être trop difficiles à battre (ils ne l’ont pas été en fait), mais ils ont été rejoints par un loup beaucoup plus gros qu’eux. Mais Sio l’a gelé dans le temps et je me suis fait un plaisir de l’achever en le décapitant. Vous auriez dû voir ça quand le temps est reparti : le sang a giclé partout et j’en ai été couverte des pieds à la tête. J’ai dû me rouler un peu dans la neige pour en enlever un peu. C’était plutôt dégueulasse, mais j’étais fière de moi. J’avais giclé le gros loup et les loups restants s’étaient enfuis la queue entre les jambes. Ils ne risquaient pas de revenir, mais nous avons quand même empilé les carcasses des deux côtés de notre abri pour créer un effet dissuasif. J’ai monté la garde d’un côté et Raïko de l’autre.

Je scrutais l’horizon quand j’ai entendu un bruit qui se rapprochait de moi. J’ai regardé et j’ai vu Kaïtos, qui s’enfonçait dans la neige. Pour lui éviter de trop caler, je l’ai pris et je l’ai déposé sur mon épaule qui était la moins tachée de sang. Comme je ne voulais pas qu’il se mette à penser que je le prenais parce que je le considérais comme un animal, je lui ai expliqué que je voulais seulement l’accommoder et que j’étais là pour l’aider s’il avait besoin de quoi que ce soit, surtout que nous nous trouvions dans un environnement qu’il n’appréciait pas. il n’a pas eu l’air d’aimer que je mentionne le froid et la neige, alors je lui ai demandé pourquoi il nous avait accompagnés, pourquoi il n’était pas resté avec Forest… ou plutôt n’importe où sauf ici. Il m’a répondu qu’il était là parce que nous étions une bande d’incompétents. Ben là… Je lui ai rappelé que j’avais achevé le gros loup et je lui ai demandé si ça me faisait remonter dans son échelle de non-incompétence. J’ai eu droit à un «humf». Ça veut dire quoi ça? Comment je suis censée deviner la signification d’un «humf» accompagné d’un regard qui se détourne? Dans ce cas-ci, je crois que ça veut dire «oui», mais il vaut mieux ne pas insister.

Il m’a demandé si j’allais bien, ajoutant qu’il pouvait sentir mon sang partout sur moi. Est-ce que c’est moi ou est-ce que Kaïtos vient de me démontrer qu’il s’était inquiété pour moi? Et moi qui pensais que j’étais surtout une nuisance pour lui, il faut croire que non. Bien sûr il me l’a demandé avec son habituel air fâché alors je me fais sûrement des idées… Quand il m’a redemandé de faire attention à moi, je lui ai redit que ça n’avait été qu’une petite bataille, que c’était surtout le sang du loup qu’il y avait sur moi et que j’allais bien. Mais comme il m’a regardée avec ses yeux fâchés, je me suis rangée à ses arguments. «Oui Kaïtos, vous avez raison. La prochaine fois, je vous promets de faire attention». Je ne le pensais pas nécessairement, mais c’est ce que je devais lui dire pour qu’il ne soit plus fâché.

Il est resté sur mon épaule toute la nuit. J’ai dû me retenir pour ne pas le pater, parce que je savais que je risquais encore de me faire accuser de le traiter comme un chat et que je devrais encore m’expliquer sur le fait que je ne cherchais pas à lui manquer de respect, ni maintenant ni jamais. Alors quand je me suis mise à sentir une odeur agréable et que je me suis rendue compte que c’était son odeur à lui, j’ai préféré ne rien dire. Des plans pour que je me fasse accuser de dieu-sait-quoi.

Le lendemain matin, Arzhvael est venu me donner un morceau de viande de loup que Raïko avait fait cuire. Je n’ai pas besoin de manger, mais j’ai quand même pris le morceau. D’une part parce qu’Arzhvael avait eu la gentillesse de penser à moi et d’autre part, je savais que je risquais de me faire accuser de ne pas prendre soin de moi si je ne mangeais pas. J’ai remercié Arzhvael et je me suis excusée de ne pas l’avoir réveillé pour qu’il puisse participer au combat. Il m’a dit que ce n’était pas grave. S’il voulait se battre, il n’avait qu’à m’insulter. Il m’a demandé que je lui donne un de mes points faibles, pour lui faciliter les choses. Je lui ai dit qu’il n’avait qu’à me dire que je ressemblais à ma famille et lui m’a dit que je pouvais le traiter d’elfe. Je ne suis pas certaine que ça va marcher, mais ça va être amusant d’essayer. Quand est venu le moment de partir, j’ai ouvert mon sac pour que quelqu’un puisse y entrer par lui-même. Si j’avais eu le malheur de lui dire «Kaïtos, il faudrait retourner dans mon sac», je me serais sans doute fait répondre «Tu oses me donner des ordres?». Cet homme est vraiment à prendre avec des pincettes. C’est fatigant, mais au moins, je commence à savoir m’y prendre.

Quand nous sommes sortis de notre abri, Gale s’est enfoncé dans la neige. Il commençait à retrouver sa partie half-blood qu’il avait perdue en mettant le collier et il avait l’air très déçu. Je ne sais pas comment je réagirais moi… Nous avons marché jusqu’à ce que la température se mette à changer brusquement et que nous rencontrions un gros, très gros, lapin fait de neige, qui a vite été rejoints par un chevreuil, un raton-laveur, un carcajou et un ours polaire, tous de grosseurs équivalentes. Ils avaient sur le front un signe en forme de flocon de neige qui ressemblait au collier d’Hayaté. C’est moi qui l’avais et je leur ai montré, mais ça n’a pas aidé. J’ai donné le collier à Laurian, qui voulait en faire je-ne-sais-pas-quoi, et je me suis préparée à faire ce que je faisais de mieux : démolir. Et dire que je viens de promettre de faire attention à moi…